Le Billet d´Alain Fraval
Le train-train électrique :
comment en sortir
Encore une fois, vous voici à court : il vous faudrait exactement deux fois plus de voie en coupons flexibles pour construire votre réseau. C´est la 27 version de 241 (ou de 2D2) que vous achetez et vous vous tuez à expliquer la différence avec la 26... En plus, les rails s´encrassent et ce malgré toute l´aide des colistiers de Ptitrain... L´envie vous prend de passer au modélisme aérien ou à la collection de coléoptères.
Non ! Laissez-vous rallumer votre foi microsidérophile et ranimer votre envie de rebrancher votre fer à souder. S´il vous reste une lueur d´amour pour le train électrique, lisez cet article, examinez les installations et les engins d´exception qu´il expose, suivez les liens.
N´allez pas imaginer que je vous propose des trains électriques de science fiction ou seulement vaticinatoires, ou du steampunk électrifié. Je ne vous indique, textes très courts, gravures ou photos (mauvaises) et liens internautiques à l´appui, que des engins d´époque : ils ont franchi un siècle — et pas le plus facile. Vous pouvez donc vous mettre à l´altermodélisme et à leur fabrication — à l´échelle de votre choix — sans vous presser : ils ne bougeront plus.
Contribution à la protection de la locodiversité
Ce train électrique de table, vous l´avez déjà tous reproduit – avec ou sans le poisson - ou alors c´est que vous ne suivez pas les articles de Doc Toofoo.
C´était un test. Pour les nouveaux, voir en bas d´article le lien vers l´article (Ptitrain, 1884).
Pour étonner vos convives, il vous reste ce train électrique de guéridon dont le premier exemplaire a été fabriqué en 1835. Lourd, un peu massif mais solide et au plan de voies pas compliqué.
Pour épater la galerie et les colistiers, voici un premier défi à relever : figurer au 1/87e le T.G.V. électrique monorail Manchester-Liverpool (Royaume-Uni) : un seul convoi à la fois sur la ligne, 185 km/h, trajet en 15 minutes. Deux articles à potasser :
La Nature, 1900, p. 30  et la Revue générale des sciences pures et appliquées. 1900, p. 415.
Tout aussi épatant, mais pour les adeptes stricts du modélisme nord-américain, Le nouveau système de chemin de fer aérien monorail breveté, par M. Joe V. Meigs, de Lowell (Massachusetts), États-Unis d´Amérique. La monographie de M. Ch. Thirion, imprimée à Paris par Chaix en 1888, fournit tout ce qu´il faut savoir et même un dessin pour reproduire fidèlement l´infrastructure.
En mimo, récupérer une canette (vide) de boisson gazeuse marron au goût pharmaceutique pour faire la caisse de chacun des deux premiers véhicules. Percer les fenêtres à l´Opinel ou au laser. Veiller surtout à bien raccorder le poste de pilotage (ou le bar des 1 classes ?) en forme de cage à poules avec le toit de la motrice (plusieurs formules de mastic ont été publiées). Pour chacune des deux longues remorques (?), boire 2 ou 3 canettes et les rabouter. Enfin, mesurer, de façon à déterminer l´échelle.
Pour mémoire
Déjà publié en billet par l´Auteur, dans Mil neuf cent, année ferroviaire, le monorail allemand de Wuppertal)...
Le monorail, c´est une trouvaille, mais tout cet attirail de détails, c´est du travail et si ça godaille ou ne produit que de la limaille, autant le jeter à la baille.
Le gyroscopique, c´est du monorail moins duraille.
Pas de poutres en treillis (avec plein de rivets) ni de supports : le rail court par terre. Il est simplement posé sur des demi-traverses. Mon conseil : prendre un coupon de voie flexible et le couper dans le sens de la longueur. Vous serez étonné mais vous arriverez ainsi à un circuit de longueur double avec la même quantité de voie achetée (et d´éclisses). Le bruit de roulement (voir discussions sur la Liste Ptitrain) est-il divisé par deux ? Pour les aiguillages, réfléchir avant de trancher.
Magique ? Non, gyroscopique. Un tore lourd tourne (très vite) autour d´un axe (mû par un moteur électrique de préférence à un à ressort ou à une ficelle) et l´engin tient en équilibre, imperturbablement. Les projets commerciaux (l´illustration — invention et inventeur en médaillon — est de 1910) n´ont pas abouti — encore un coup des ennemis du progrès alliés objectifs du capital pusillanime.
En tout cas, c´est à retenir pour une pratique renouvelée du G. Les accumulateurs ont fait de gros progrès depuis la Belle Époque . Je recommande une batterie lithium-ion, comme sur mon nouveau vélo (qui est une variété de monorail sans rail avec mézigue comme gyroscope).
Pour le franchissement des rivières, ronciers et routes voisines, un fil à linge ou un simple câble (vérifier les attaches régulièrement) fait l´affaire.
Le rail unique, c´est une économie énorme. Les réserves financières accumulées sur le budget “petit train” grâce à l´emploi de l´un ou de l´autre des systèmes monorails ci-dessus sont donc disponibles pour un gros coup , celui qui augmentera votre parc d´une machine mythique, introuvable dans les productions de nos fabricants...
Une Heilmann. Elle a de la gueule et plein de roues, s´appelle la Fusée électrique, penser à l´écrire dessus.
À la fois vapeur vive et électrique, elle réconciliera les tribus hostiles et, surtout, elle sera le chef d´oeuvre que – peut-être — vos héritiers seront fiers d´exhiber (ou d´avoir vendu cher).
Tout est raconté dans deux articles de la Nature : ses deux versions successives : celle de 1894 (ci-dessus) et de 1898 (ci-dessous).
Le premier prototype avait une carrosserie en bois verni – on peut en voir une maquette au Musée des Arts et Métiers à Paris. J´ignore la couleur du second, en métal. On en lira une description lyrique dans le Magasin pittoresque de 1898, p. 226, du style 
À cliquer : une page (en anglais) très illustrée sur cet ancêtre.

Ces machines, deux fois plus lourdes (avec l´eau nécessaire) que les locomotives à vapeur et à pistons de l´époque ont été transformées en motrices électriques (3 rail) expérimentales, puis ferraillées. L´inventeur envisageait de transmettre la force motrice électrique à des moteurs répartis sur tous les essieux du train.
Une Heilmann sur la ligne C du R.E.R.
Le principe de rendre toutes les roues du convoi motrices, avant d´être retenu pour l´A.G.V. (entre autres), fut adopté outre-Atlantique par ce mignon petit train routier électrique, mis en service pour l´exploitation du borax dans la vallée de la Mort (Californie, États-Unis). Le générateur dans la motrice, un moteur par wagon. Ça grimpe, paraît-il, des pentes comme ça. Pas de souci de pose de coupons, voie flexible, éclisses, aiguillages... (je ne cesse de chercher à vous épargner les galères ordinaires). (La Nature, 1904, p. 414.)
Revenons à la vapeur-électrique. Quelques années après notre Heilmann, on construira à Glasgow la locomotive électrique à turbine Reid-Ramsay, qui lui ressemble un peu mais avec moins de rivets — ce qui n´est peut-être qu´une mauvaise appréciation due au médiocre cliché paru dans la livraison du 8 juillet 1910 d´Engineering.
Quelques compléments d´information sur la page des locos à turbine et dans l´article du n° 32 du tome 11 de la Lumière électrique.
Les locomotives électriques à moteur Diesel, la descendance toujours vivante de ces monstres turbinants, apparaîtront à l´échelle 1/1 plus tard.
Mais Crochat construit des engins pétroléo-électriques à partir de 1908 pour le ministère de la Guerre...
Ce modèle est là pour ceux qui recherchent la simplicité des formes et disposent de surplus de peinture gris bateau de guerre.
Le chantier de la Heilmann prend du retard : la chaudière chauffe mais met le feu à la caisse réalisée en carton (quelle idée !), la turbine fuit, le générateur fait surtout des étincelles et les engrenages coincent.
Je propose ce modèle plus reposant que vous construirez sur un bogie moteur japonais alimenté par un vieux téléphone portable (qui fournira la batterie rechargeable, l´avertisseur sonore et même les annonces en gare).
En 1899, L. Elbéee présente avec tous les détails souhaitables (sauf la couleur...) dans les colonnes de la Nature (p. 145), la locomotive électrique à grande vitesse de la Compagnie du P.-L.-M., construite deux ans plus tôt et soumise à des essais intensifs entre Paris et Brunoy. L´électricité est fournie par des accumulateurs chargés dans un (lourd) fourgon (à bogies et à vigies).
Quel contexte pour ces locomotives électriques à accus ? À la même époque, à Paris, circule un tramway à batteries. Mis en service en 1890, ce genre d´engin se révèle lourd et compliqué : l´empattement allongé pour loger les accus oblige à monter les bissels sur pivots. En 1913, ils disparaîtront en même temps que les derniers engins tirés par des chevaux.
Quelle descendance ? Il faut descendre dans les mines (ou dans le métro de Londres) pour voir perdurer ce mode de traction – qui devient une rareté. Des trains de jardin, avec télécommande par radio, le perpétuent, ainsi que des joujoux à piles.
La prise de courant par rail conducteur parallèle à la voie ou par conducteur(s) aérien(s) devient la règle. En 1900, l´Expo universelle expose la locomotrice pour les aciéries du Creusot.
Ce n´est pas une nouveauté : souvenons-nous du premier train électrique de par chez nous, mis en service en 1893, par l´ingénieur Auvert, du P.-L.-M.
Pas très spectaculaire, difficile à intégrer, obligeant à chaque fois à expliquer aux visiteurs que c´est une locomotive de train minier (embranchement de la Béraudière, près de Saint-Étienne) et pas un truc pour nettoyer les voies. Il faudra reproduire l´entraînement des essieux moteurs par des chaînes à partir de l´électromoteur central et les délicats frotteurs repliables qui doivent capter le courant sur le 3 rail.
À voir : une page de locomotives électriques ancestrales...
Mais là, je suis sorti de ma voie et en pleine contradiction : le 3 rail, c´est (à peu près) 50 % de rail en plus donc un tiers de voie en moins.
Je vous laisse donc à vos travaux, en gageant que vous prendrez intérêt et plaisir à pratiquer, même collatéralement, l´altermodélisme ferroviaire.
[Pour les nouveaux : Ptitrain, 1884.]
A. F.
Août 2008