Quelques petites choses sur
LES VRAIES ROUTES (5)
qu´il peut être utile de savoir quand on est modéliste ferroviaire*
* Mais on peut aussi s´en passer. par Gérard Bianchi
 
(Suite, voir page 1, page 2, page 3 et page 4)
Panneaux d´interdiction.
La barre oblique rouge des panneaux d´interdiction de tourner à droite ou à gauche change de sens selon le panneau, contrairement à maintenant.
Le panneau “Stop” est de l´ancien modèle. Le panneau octogonal est apparu en 1970. Les deux ont cohabité pendant plusieurs années. Ne pas oublier la présignalisation.
Panneaux directionnels.
Les premiers étaient des plaques en fonte portées par des poteaux ou en applique sur des murs, placés à hauteur d´oeil d´un cavalier, de petite dimension, fait pour être lus au pas (de cheval). Il en existe encore, par-ci par-là. Je sais où il y en a... mais c´est trop loin pour faire une photo. Dans le département de l´Orne, beaucoup ont été remis en valeur pour l´agrément.
Dès le début du développement de l´automobile, ils ont été complétés par des panneaux en béton, d´abord “les panneaux Michelin” sur pied ou collés sur un mur. Il en reste encore, mais la plupart ont été enlevées par mesure de sécurité (obstacle dur). Dans les années 40, le fond était blanc, et à la fin des années 60, ils étaient tous à fond crème. Puis le fond est redevenu blanc vers 1970, mais la police de caractère et leur couleur n´étaient plus celles de 1945. On en a encore fabriqué après.
Les panneaux métalliques, (d´abord en acier émaillé puis récemment en aluminium recouvert d´un film adhésif), sont apparus dès les années 50. Les types de fabrication ont été utilisés avec un passage progressif de l´un vers l´autre. On peut avoir plusieurs types à peu de distance les uns des autres.
Ici un échantillon de dessins de la circulaire de 1955 qui méritent des commentaires.
Les différences de dimensions des panneaux, dues ici à l´absence de talent de l´infographiste ayant créé cette image, ne sont pas significatives. Les dimensions d´un panneau sont déterminées par la grosseur des lettres choisies selon l´importance de la route et la longueur des textes, et le fabricant fait le panneau autour.
En haut, les cartouches (nom masculin !) ne sont pas obligatoires sur tous les panneaux, seulement sur les principaux.
Les couleurs sont impératives selon l´appartenance administrative de la route :
— caractères blancs sur fond rouge pour les nationales (le site sur les panneaux Michelin® dont le lien est donné ci-dessus a une page BD fort sympathique,mais on y voit à plusieurs reprises des cartouches de routes nationales en lettres noires sur fond rouge) ;
— caractères noirs sur fond jaune soleil sur les départementales.
Le cartouche V1 signifie vicinal n° 1. Depuis 1963, les chemins vicinaux n´existent plus et sont des voies communales. Il y aurait maintenant C1 mais, comme ce n´est pas obligatoire, les communes font des économies de cartouches. Quelquefois on trouve VC1. C´est une erreur grossière, comme il ne doit jamais y avoir RN16 ou CD84 (chemin départemental), d´ailleurs pour piéger les ignorants les chemins départementaux sont progressivement devenus routes départementales depuis la décentralisation de 1982. Mais sur les panneaux, on s´en moque, ça ne se voit pas.
Les panneaux sont entourés d´un trait de couleur, le listel, bleu avant 70 et rouge depuis, sauf sur les panneaux indicateurs d´un nom de cours d´eau. Récemment, ce panneau a été redessiné (voir le lien sur les panneaux actuels). Il reste encore tout plein d´ancien modèles.
Les panneaux sans flèche sont pour celui qui a une indication de distance un panneau de confirmation placé en dehors d´un carrefour, et pour celui qui n´en a pas un panneau d´entrée d´agglomération.
À droite la borne — qui n´est évidemment pas Michelin sur la circulaire officielle, mais c´était le seul fabricant de ce type.
Balises de virage et d´intersection.
Les balises de virage sont blanches. Dans les zones où la neige est fréquente, elles ont le sommet rouge. Elles sont implantées, si possible, à 1 m du bord de la chaussée.
Avant 1970,  on pouvait voir des banquettes de sécurité destinées à protéger la balise (et aussi les usagers car elles étaient encore en béton ( cf. ci-contre,  image déjà vue en haut de la page précédente). Le dessin est à considérer dans son entier, cette fois.
Après 1970, s´il y a des glissières de sécurité on y fixe des dièdres réflectorisés . Comme il est prescrit d´en mettre partout, on ne voit pas la différence dans les virages. Ces dièdres ne dispensent pas des colliers réflectorisés sur les balises.
Le dessin de la circulaire de 1955 est toujours valable pour les balises. Le signal de perte de priorité n´est plus utilisé ainsi. Pour les actuels voir les liens ci-après. Les balises d´intersection sont destinées à indiquer l´endroit précis du carrefour. Elles portent un collier rouge et sont implantées avant l´intersection et à droite pour le véhicule auquel on veut la signaler. Si une route perd sa priorité en arrivant au carrefour, elle est équipée d´un signal ad hoc. Il est donc inutile d´y placer une balise d´intersection .
Les gens chargés de les poser jugent parfois qu´il est nécessaire d´en mettre aussi pour les usagers tournant à gauche . Dans le cas de carrefour en croix avec priorité à droite. il doit y avoir quatre balises. Chacune doit être visible, à droite, pour chaque véhicule pouvant arriver là et le plus près possible de l´intersection.
Dans les agglomérations les triangles et les balises sont en général sans objet. Les disques et la signalisation directionnelle obéissent aux mêmes règles.
Pour les panneaux en vigueur actuellement voyez plutôt là : www2. securiteroutiere. gouv.fr [Comme il arrive que les ministères se réorganisent, il se peut que cette adresse ne soit pas éternellement valable. Au cas où, faites travailler Google.]


Signalisation horizontale.
Le marquage peut être fait en peinture ou en résine coulée qui a une épaisseur de quelques millimètres. Il n´est donc pas anormal de les faire en modélisme avec une bande de papier collé, mais pour l´échelle il faut du papier à cigarette. Sur les chantiers où des bandes provisoires de couleur jaune doivent pouvoir être enlevées, elles sont faites avec des bandes qu´on décolle à la fin (c´est le “post-it” de la signalisation horizontale !). Cela n´a d´application que sur les chantiers où ce marquage est censé rester longtemps (plusieurs semaines) et depuis que le jaune est prescrit pour le marquage temporaire (1970). Dans les autre cas, il n´y a pas de marquage et le balisage est faite par cônes (“cocottes”) seulement posées à terre (et à remettre en place à chaque déplacement, volontaire ou non).
Les premières bandes axiales étaient jaunes et sont devenues blanches depuis 1977, mais les jaunes ont mis des années à disparaître. Sur les routes importantes, il a fallu attendre les renouvellements de peinture environ deux à trois ans et encore le jaune réapparaissait quand le blanc s´usait. Sur les routes très secondaires où ça ne s´use pas vite, attendre de refaire le revêtement, c´est-à-dire jusqu´à dix ans.
Les bandes de rive sont apparues vers 1970 et ont toujours été blanches. Il y a donc eu une période avec du blanc sur les bords et du jaune au milieu. Une devinette : qu´est ce qui, en 1974, était jaune au milieu et blanc autour ?
Ici deux pages de la circulaire de 1955 datant du temps des bandes axiales jaunes.
Aussi bizarre que ça puisse sembler aujourd´hui, il pouvait y avoir un morceau de tireté en haut d´une côte ou dans le milieu d´un virage. Actuellement, la façon de mesurer les distances de visibilité est la même, mais on ne laisse pas un court tireté entre deux lignes continues. À noter qu´à cette époque les tiretés d´annonce n´existaient pas et qu´on passait directement d´un tireté long à une ligne continue. Pour simplifier, disons que la largeur des bandes était de 0,10 m avant 1970 et de plus en plus grande ensuite. Jusqu´à 0,30 m en rive. Pour réduire ça au 1/87 ou moins, ce n´est peut-être pas nécessaire de se prendre la tête.
Les tiretés d´axe font 3 m de peinture pour 10 m de vide. Les tiretés courts sont apparus après 1970. Ils font 3 m de peinture pour 1,33 m de vide. On les emploie lorsque par exemple une succession de virages (sans obstacle à la visibilité en l´absence d´autre véhicule, avec chacun son morceau de ligne continue) fait en sorte que ces lignes se rencontrent. On peut avoir ainsi une ligne continue ininterrompue sur des kilomètres. Si à cet endroit le dépassement d´un véhicule roulant à 70 ou 80 km/h reste dangereux, alors que celui d´un tracteur agricole ou d´un camion lent est possible, on remplace la ligne continue par un tireté court (mais l´interdiction de doubler un véhicule circulant à plus de 50 ou 60 km/h reste en vigueur. Aucun intérêt de savoir ça pour faire une maquette, mais si ça peut vous faire économiser quelques dizaines d´euros et des points). Les tiretés de rive font 3 m de peinture pour 3,5 m de vide.
Les bandes de stop sont continues sur la demi-chaussée et celles de cédez-le-passage ont 0,50 m de peinture et 0,50 m de vide. Toutes deux font 0,50 m de large. En cas de stop, seul le panneau est obligatoire. Il peut donc y avoir panneau sans bande de peinture, mais pas l´inverse. Les deux sont hautement souhaitables.
La signalisation fait l´objet d´une publication officielle par le ministère, encore de l´Equipement, qui comporte huit parties. S´il y en a que ça tente : www2. securiteroutiere. gouv.fr [Même remarque que tout à l´heure : il se peut que cette adresse ne soit pas éternellement valable.]
3. Végétaux
Les accotements sont traditionnellement herbus. Dans les zones suburbaines du stationnement ayant lieu souvent à certains endroits, l´herbe peut être absente sur des surfaces correspondant à la partie régulièrement circulée.
Les fossés fraîchement curés sont dépourvus de végétation, laquelle revient rapidement. Un fossé humide, cas normal puisque c´est pour ça qu´on les fait, est souvent envahi par des herbes adaptées à ce milieu. Des joncs ne sont pas rares. Pour être vraisemblables leur hauteur ne doit pas dépasser le niveau de l´accotement.
Dans les zones bordées d´arbres, les feuilles s´accumulent dans les fossés en automne, jusqu´à les remplir quelquefois.
Le fond des fossés est le réceptacle de toutes les cochonneries qui traînent sur la route.
Les talus sont normalement herbus. Dans certaines zones infertiles, la végétation est pauvre et quelquefois absente. C´est le cas des terrains calcaires caillouteux où l´absence de végétation favorise l´érosion de la couche superficielle, laquelle à son tour ne permet pas la pousse de l´herbe. Si le terrain tient, ça peut rester des dizaines d´années ainsi.
Sur les grands talus, on plante quelquefois des arbustes qui ont l´avantage de maintenir le sol et de donner un aspect agréable. Dans les terrains qui conviennent l´ajonc et le genet sont bien utilisés. Des paysagistes se font un plaisir, pour peu qu´on leur en passe commande, d´y faire des compositions.
Avant (1970, dans nos conventions) il était d´usage de couper bien ras la totalité de l´herbe d´un talus de déblais. Depuis on s´est aperçu que si on se limite aux 2 m inférieurs en laissant le reste à la nature, ça coûte moins cher et l´esthétique est plutôt meilleure. En plus, ça améliore la diversité biologique. Certaines plantes, devenues rares à cause des traitements chimiques dans les champs, ne se trouvent plus que sur les talus routiers.
Les talus de remblais non visibles de la route sont, en général, laissés sans entretien, après une plantation ou un semis, pour stabiliser.
Dégradations
Une belle chaussée bien uniforme, c´est pas vilain, mais ce n´est pas souvent la réalité. On patine bien les locos et les wagons, pourquoi pas les routes. Bon d´accord, elle patinent très bien sans les modélistes. Ci-après une revue non exhaustive de dégradations et défauts les plus courants (à vous de juger s´ils ont un intérêt en modélisme). Ceux qui pensent qu´une route peut être fidèlement représentée par une couleur homogène vont être déçus.
Usure de l´enduit superficiel
Cas d´un vieil enduit (plus de 10 ans, peut-être le double) dans une rue à circulation moyenne de véhicules légers. Sous la circulation les gravillons se sont usés. De loin, l´usure n´peut sembler uniforme. Mais vu de près...
Arrachement
Départ des gravillons qui se décollent du bitume sous la circulation.
Le caniveau donne l´échelle (largeur = 35 cm). Sur cette photo, il y a deux types de dégradations. À gauche, arrachements. Ils sont généreux et anciens, au point que de la poussière s´est déposée dans le creux. À droite, plaque usée qui donnera du ressuage (voir paragraphe suivant).
Ressuage
C´est le bitume en trop qui remonte à la surface sous l´effet de la circulation et de la chaleur. Par temps très chaud, ça colle aux pneus. Ça donne de longues traînées noires sous les passages de roues.
En hiver, la plaque reste, mais prend une couleur plus claire, proche de celle du reste de la route, due à la poussière qui s´y colle. À la photo du paragraphe précédent, vue d´une petite plaque de ressuage par temps “froid”. Aspect : complètement lisse. Attention, dans une scène hivernale prévenir les bonshommes Preiser que ça glisse par temps de givre et que, dans une scène de période caniculaire, ça salit les chaussures.
Faïençage
C´est un réseau de petite fissures comme celles des vieilles assiettes en faïence.
Chaussée bien fatiguée affaissée et faïencée. Le blanc des fissures est la couleur de la couche d´en dessous, naturelle ou rapportée (ici calcaire ou marneux). La bande noire qui traverse est la réfection récente à l´enrobé d´une tranchée, pour quelque tuyau ou câble. Il en manque un bout au milieu. La tranchée a été faite en deux fois pour laisser la circulation sur l´autre côté et la partie centrale creusée, un peu comme un tunnel. Ainsi le milieu pouvait être laissé à la circulation pendant les deux phases.
N.-B. : Comme il est quasi impossible de compacter le remblai correctement dans ces conditions, ça va probablement s´affaisser d´ici quelque temps. Pour une représentation de l´état futur faire un affaissement en cuvette sur la partie centrale, mais éclaircir la bande qui est noire ici. La réparation se fait par emplois partiels d´enduit gravillonné.
Emplois partiels successifs au même endroit. Il y en a eu qui se sont à nouveau dégradés. On en a refait d´autres. Là, il y a au moins trois passages successifs avec des contours différents. Le gravillon non collé est rejeté dans le caniveau par la circulation et n´a pas été balayé.
Ces réparations ont été faites avec une machine à grand rendement (Point à temps automatique, pour ceux qui ont envie de savoir) qui donne des contours à angles droits. Ces machines existent depuis environ 1985.
Auparavant, on répandait le bitume à l´aide d´une lance (un aérographe en quelque sorte ; diamètre de la trace 0,30 m), tenue par un lancier, qui donnait des contours arrondis, la réparation ayant une forme générale quelconque qui tentait de suivre au plus près celle de la partie dégradée. On n´en trouve plus, ma bonne dame, donc pas de photo.
Ici, les réparations ont été faites avec la même couleur de gravillon depuis la construction de la route. Mais il y a des régions où des carrières de couleurs très différentes sont proches. Il y a eu des mélanges, route gris-bleu avec réparations roses ou l´inverse. Ou du gravillon blanc (blanchâtre).
Nid de poule
Conséquence d´un faïençage ou d´arrachements, non traités. C´est une cavité aux bords vifs. Il n´y a pas d´affaissement autour.
Nota : les affaissements aux bords arrondis existent, mais ce ne sont pas des nids de poule et ils ne se verront pas sur une maquette. Déjà, que en réalité, il faut un oeil habitué pour les voir avant qu´ils secouent la voiture. On n´en parle donc pas.
Nid de poule formé en quelques heures pendant une pluie abondante. Réparation urgente provisoire : emplois partiels d´enrobé à froid. Réparation définitive correcte : découpage rectangulaire de la chaussée autour du trou et reconstitution de la chaussée à l´enrobé à chaud bien compacté.

Un peu de tout... Voilà pour la diversité, c´est une réalité, mais, comme la saxifrage est le désespoir du peintre, ne serait-ce point le désespoir du maquettiste ?
Et voilà : la réparation provisoire a été faite en balançant de l´enrobé à froid, mais il n´y en aura pas de définitive. Bon d´accord, c´est mal fait, mais si vous voulez du réalisme... Un peu plus loin, on peut voir les réparations anciennes se superposer aux récentes .
 

Élargissements clandestins.
C´est une appellation toute personnelle. Les routes étroites sont l´objet inévitable de débordement de circulation hors de la chaussée. Notamment à l´intérieur des courbes et virages. Ça défonce les accotements et dégrade les rives de chaussée. On répare soit avec des emplois partiels d´enduit superficiel soit à l´enrobé à froid. Et ça donne ça ...
Peignage.
Ce n´est pas une dégradation due à l´usage, mais un défaut de réglage de la répandeuse lors de la mise en oeuvre.
Les rayures sont dues à un surdosage localisé en bitume. Et ça peut être comme ça sur des kilomètres parce que ça ne se voit pas au moment des travaux, mais 2 ou 3 jours plus tard après un peu de circulation.

Conclusion. — Si vous êtes arrivés jusqu´ici, c´est peut-être que le sujet vous a intéressé. Si vous allez vous promener sur les routes à pied, faites attention à vous. Avant de regarder une chaussée de près réfléchissez bien et ne restez que le minimum de temps. Quand on regarde par terre on ne voit rien venir. Les règles de sécurité des professionnels imposent qu´on soit au moins équipé d´un baudrier fluo.
La suite serait la façon de réaliser tout ça en modélisme. Ce n´est pas mon sujet. En attendant que quelqu´un s´y mette : bonne route !


Gérard
Bianchi,
Juillet 2008
 
Les schémas et photos sont D.R. ou © G. Bianchi pour Ptitrain.
À propos de Ptitrain. — Directeur de la publication : Christophe Franchini.
Rédacteur en chef : Jean-Denis Rondinet.
07/05/2008 22:36