Un réseau “en friche”...

Jean-Guy, un grand ami de Ptitrain, est de ces “nouveaux modélistes” qui tentent d´intégrer à la fois les leçons des grands anciens, l´art moderne (le dixième : atmosphère, patine...), plus les bricolages les plus récents (le fameux zeeschuim, le “plume”, le Depron)... tout en prônant cette philosophie propre aux “jeunes d´aujourd´hui” : pourquoi se prendre la tête si l´on peut ne pas se fatiguer ?

     Aujourd´hui, il nous explique comment ne pas céder à l´immobilisme, à la collectionnite, et avoir vite et bien des trains qui roulent... En un mot, résoudre cette quadrature du cercle :

Voir grand... mais finir tout de suite !

     La réalisation d´un réseau modèle est une oeuvre de longue haleine, dès que celui-ci dépasse une certaine surface. Il y a là une évidence que nous avons tous du mal à accepter, dans l´enthousiasme d´un nouveau projet, qu´il soit premier ou non. La conception, la préparation des bâtis et supports, la pose des voies dans les règles de l´art, le câblage des alimentations de traction et des appareils de voies motorisés, les essais, et voilà généralement un bon paquet de mois passés avec l´incontournable “retard-sur-l´objectif-que-je-m´étais-fixé”. Et sans parler du portefeuille qui oblige souvent à étaler les dépenses à plus ou moins long terme.
Et comme toutes les opérations citées ci-dessus sont capitales pour une bonne exploitation, il n´est pas question de les réaliser à la va-vite, à l´exception peut-être du ballastage des zones de second plan. Et le décor, dans tout ça ? Puisque nous avons tout bien fait jusque-là, ce serait dommage de saborder la suite. Surtout après avoir été victime des doubles fractures répétitives de l´oeil au vu des photos de réseaux commis par nos maîtres du dixième art, et s´être bien juré qu´on ferait aussi dans le modélisme d´atmosphère.
Mais, devant les boîtes de construction “hamstérisées” au fil des mois et des tentations, devant la “boîte-à-tout” qui souffre de boulimie aiguë (“non, non, jette pas, ça va me servir pour le petit train”), devant les paquets de flocage en poudre, en filet, en flocons, en trecôte, et les forêts de Zeeschuim délicatement récoltées en septembre dernier, il nous vient un sentiment de grande lassitude. De deux choses l´une : soit on bâcle pour faire tourner ses petits trains le plus tôt possible (deux ans que c´est dans l´armoire, ça craint !), soit on s´insatisfait de faire rouler sa dernière 141-R superdétaillée et patinée avec amour sur un ignoble chantier. Heureux les imaginatifs, qui d´un seul coup de cervelet transforment l´univers impitoyable du contreplaqué-plâtre-Depron en une verte et riante vallée...

Un Plan d´occupation des sols...

Alors, de deux choses... une troisième ! Nous allons exploiter, non pas un réseau en chantier parce qu´on ne peut faire autrement, mais un réseau en friche parce qu´on l´a prévu ainsi. Le Plan d´occupation des sols, c´est pas fait pour les dahuts. Comme dans la vraie vie, quoi ! Bien souvent, les infrastructures ferroviaires étaient implantées à quelque distance du bourg, là où le terrain était encore libre, souvent en friche. Ce n´est que petit à petit que le paysage se construit autour du B.V. (1) et de la halle, avec l´apparition précoce du “Café-Tabac de la Gare”, puis d´autres commerces et logements, des entrepôts, des petites industries, la réfection des routes et des chemins, l´aménagement de la petite place de la Gare, etc.
C´est dans cette optique-là que nous allons procéder. Les plaques de contreplaqué (de 8 mm d´épaisseur sur mon réseau) qui servent de supports horizontaux pour les différents niveaux sont entièrement recouvertes avant la pose des voies par une épaisseur de 3 mm de Depron. Ce dernier est fixé à l´aide de tout petits plots (de la taille d´un petit pois) de colle spéciale pour matériaux isolants à base de polystyrène, disposés tous les 10 cm environ (Sader ou autre, en grande surface de bricolage). La densité de points de collage est augmentée sur le tracé des voies. C´est seulement une fois cette étape réalisée que nous pouvons attaquer la pose des voies, avec leur propre semelle de Depron, elle aussi collée sur la base C.P. + Depron, puis biseautée et ballastée selon la technique préférée de chacun.
Nous passons alors à l´étape d´implantation des éléments de décors déjà fabriqués, un BV et son quai par exemple. L´immense étendue blanche de Depron immaculé (pour faire bien dans le texte, car en général c´est déjà plein de traces de doigts et de taches diverses) est ensuite très rapidement recouverte de ce qui va constituer la friche. Selon l´imagination de chacun, il peut s´agir de flocages divers, de taillis et bosquets plus ou moins touffus, de tapis d´herbe à la végétation quelque peu jaunie, clairsemée de sables fins de teintes différentes (les friches herbeuses ressemblent plus à des terrains vagues qu´à des greens de gazon anglais), voire une décharge à ordures. Des bâtiments provisoires rapidement construits, allant de la cabane à la vieille usine désaffectée, peuvent être implantés çà et là, ainsi que des chemins et des routes en sable ou en carton.

... C´est le bonheur

Ensuite, c´est carrément le bonheur. Tranquillement assis à notre table de travail, nous allons fabriquer nos éléments de décor, lopin par lopin, tout en prenant le temps qu´il faut pour faire de la belle ouvrage, pendant que nos engins préférés roulent à loisir dans un paysage plausible. La notion de paysage à préfabriquer sans se casser les reins, chère à l´entreprise “Jidé & Jidé - Aménagement du Territoire” trouve ici tout son sens. Après avoir relevé la forme et l´emprise au sol du module (voir prochainement les astuces de Théo Dolite, notre géomètre-conseil), chaque élément (la maison du garde-barrière et son potager rectangulaire, la scierie et son dépôt de bois trapézoïdal, le p´tit resto “Chez Chris” avec les ouatères au fond du jardin biscornu...) va être peaufiné sur un socle de 3 mm d´épaisseur : contreplaqué, carton plume, Depron, ou blindage anti-D.C.A. si ça vous chante, pourvu que ça fasse 3 mm. Une fois le petit bijou terminé, et rien n´interdit d´en mettre plusieurs en chantier simultanément, il suffit d´inciser la friche au cutter et à l´endroit désiré, d´ôter celle-ci avec sa base de Depron, de gratter la colle, et s´insérer la nouvelle réalisation à la place avec quelques points de colle. Les limites entre les modules peuvent être estompées par des haies, des clôtures, des murets, des remblais, etc.
Nous pouvons procéder de la même manière pour les infrastructures routières ou ferroviaires, qui prendront place au fil du temps sur notre réseau, puisque nous disposons de 27 cm de sol (3 mm H0 convertis en réel) pour tous nous travaux Bâtiments et T.P. Les surfaces inclinées ou verticales peuvent aussi être traitées de cette façon à condition d´être assez planes.
La maîtrise de mon P.O.S. ferromodélistique m´a rendu plus zen, et pour une fois, où y´a d´la zen, y´a du plaisir.

Jean-Guy, dit Jo Lafriche


(1) B.V., “bâtiment voyageurs”, c´est la gare, en termes de métier... “Au droit du B.V.” = en face de la gare !

Les grands esprits se rencontrent !

     Un de nos lecteurs attentifs, notre ami Bruno, nous envoie cette copie d´un placard de publicité paru en 1960 (!) dans le catalogue du R.M.A. Cliquez dessus ! On y découvre des blocs de décor préfabriqués, ancêtres du “réseau en friches” mais aussi dans le droit fil de nos articles sur la préfabrication du décor !...

Ptitrain, l´e-magazine du train éclectique... — Directeur de la publication : Christophe Franchini.
Rédacteur en chef : Jean-Denis Rondinet. — Rév. 07/16/2004 18:56