Mal aux reins ? Préfabriquez ! (1)
Les données du problème
De tout temps, le modéliste ferroviaire a dû se plier aux pires contorsions pour coller, souder, motoriser une aiguille, réenrailler un wagon baladeur... Il y a cinquante ans, notre grand-père à tous, John Allen, se plaignait déjà de maux de dos... Et le phénomène est bien pire quand on a installé son réseau dans des recoins “furtifs” — sous le lit, au-dessus des toilettes, ou (la meilleure de toutes ces idées :-) au ras du plafond...
Il est bien agréable de construire, tranquillement assis à sa table de travail, avec une bonne lumière, et ses outils à portée de main... C´est le cas pour tout ce qui est préfabriqué : matériel roulant, véhicules, personnages, maisons...
Et si on tentait de préfabriquer plus de choses ? Et si on s´asseyait tranquillement à son établi pour ballaster la voie, par exemple ? Les grands esprits se rencontrent !
Parenthèse : les grands esprits se rencontrent !
Un de nos lecteurs attentifs, notre ami Bruno, nous envoie cette copie d´un placard de publicité paru en 1960 ( !) dans le catalogue du R.M.A. Cliquez dessus ! On y découvre des blocs de décor préfabriqués, tout à fait dans l´esprit de nos articles et aussi ancêtres du “réseau en friche” que vous découvrirez par ailleurs...
[Des fac-similés d´un catalogue du regretté R.M.A. sont visibles chez nos amis de Docs en stock.]


Mon réseau, comme beaucoup d´autres, est recouvert d´un matériau destiné à l´insonoriser au mieux visà-vis du bruit du roulement des trains. Ce matériau a été souvent décrit dans les magazines, c´est le Depron. Il se présente comme une plaque fine (3 ou 6 mm) d´un matériau blanc extrêmement léger, mousseux (comme l´intérieur du carton plume), très bon marché. Il a par rapport au polystyrène expansé l´avantage de ne pas dégager de poussières collantes lors de la coupe — coupe qui se pratique au cutter normal, avec une lame de bonne qualité, le manche tenu à 45 degrés ou moins. La coupe est franche, nette, avec un petit bruit que je trouve rigolo (chouiiiiip).
Mais ce que je préfère dans ce Depron miracle, c´est qu´il est “inerte”. Rien ne semble pouvoir lui faire perdre sa forme plane : stocké debout, courbé, en grandes plaques, dans un coin de ma cave, il en ressort flegmatique, plan et lisse.
Collé, floqué, peint à l´acrylique sur une face (ou sur les deux), il ne bouge pas, il ne gauchit pas ; ni le carton, ni le carton plume, ni le plastique, ni le contreplaqué ne montrent une telle insensibilité aux pires traitements chimiques.
1er exemple : pose de voie
J´avais à tracer trois voies en courbe grand rayon, à les fixer, à les ballaster soigneusement (ces voies seront en gare et très visibles). Ces trois opérations, faites in situ, me... barbaient de façon grandiose. Alors pourquoi ne pas faire ça sur mon bureau ?
Sur un morceau de Depron de 3 mm découpé selon l´angle du mur (voir l´article sur les patrons), et posé sur le bureau (protégé par une chute de bois), je trace avec un stylo feutre, tenu par une ficelle qui sert de compas, mes trois courbes d´environ un mètre de rayon. Je place ma voie (Roco au mètre) sur les tracés obtenus ; elle a tendance à faire ressort, donc je la bloque avec des punaises (celles, modernes, à pointe très fine, qui servent aux bureaucrates à fixer des mémos sur des panneaux de liège), soit en profitant du trou que le constructeur a aménagé dans les traverses, soit (quand il n´y a pas de trous, comme chez Peco) en les posant des deux côtés de la voie juste à l´extérieur des rails.
Pour plaquer le rail bien à plat contre le support en Depron, des masses métalliques sont posées (mes habituelles boîtes à diapos pleines de plomb). Bien vérifier que les traverses de la voie au mètre soient régulièrement espacées et bien perpendiculaires aux rails. Et enfin, tous les dix centimètres, une goutte de colle à bois entre deux traverses. On laisse sécher.
Dès cet instant, voie et support en Depron sont solidaires, on enlève les punaises et on peut déplacer le tout sur le réseau (pour ultime vérification, essais de gabarit...). Bien sûr, on déplace cela comme on le ferait pour un gros gâteau d´anniversaire : délicatement, avec les mains bien à plat en dessous...
Après on passe au ballastage selon sa méthode et ses couleurs habituelles. Je préfère personnellement fixer d´abord (d´où les quelques gouttes de colle, tous les dix centimètres), puis peindre en brun ou chocolat (acrylique à l´eau AVI3000 acheté au kilo, dilué 50-50, appliqué au mini-pistolet Humbrol) ; le dernier centimètre de voie, qui recevra les éclisses, est protégé de la peinture ; il sera fignolé au pinceau, plus tard. Si nécessaire, un coup de patine sur les traverses, un coup de rouille sur le flanc des rails... Puis poser le ballast (petite cuillère), l´égaliser (au pinceau, au pique à cocktail ; il doit bien monter entre les traverses, mais pas trop haut : voir mon modèle ci-contre), l´encoller (colle à bois + eau + liquide à vaisselle selon une recette maintenant très connue, voir liste de Ptitrain) avec une pipette (magasin d´arts graphiques, ou pharmacie [poire à déboucher les oreilles !], ou mieux et moins cher, magasin de fournitures pour labos). Avant le séchage de la colle, pourchasser les grains qui se sont collés au flanc du rail, au-dessus d´une traverse, etc.
L´opération de ballastage est assez longue et vous serez contents d´être bien installés ; cela dit, on n´est pas obligé de tout faire d´un coup : on peut encoller vingt centimètres par-ci, vingt centimètres par-là — par exemple en attendant que la salle de bains soit disponible, comme le fait Clive Lamming !
Fini, séché, fignolé, le morceau de réseau “préfabriqué” est transporté in situ et mis en place de façon définitive (quelques points de colle blanche + des poids, pendant le séchage).
Ci-dessus , lors de la phase d´essais, la plaque de Depron est juste posée, même pas fixée ! Les ouvriers de la Voie veillent au grain... au grain de ballast que j´aurais pu oublier...    
Juste en passant... [mise à jour, août 2008 : ce magasin n'existe plus] Une mine d´or pour les modélistes qui cherchent des mini-récipients en verre ou en plastique pour leurs mélanges de peintures, leurs produits chimiques, des compte-gouttes, coupelles pour mélanges, etc. :

LABOSCOPE
1, rue Le Goff, 75005 Paris
Jidé

Août 1999.

Prochain article :
Des décors préfabriqués  !
Ptitrain, l´e-magazine du train éclectique — Directeur de la publication : Christophe Franchini.
Rédacteur en chef : Jean-Denis Rondinet. — Rév. Dream MX 6-04-2006 19:30