Arrivons-en au B.M.C. ! (2)
 

ÉPOQUE II. — La guerre de 14 a vu partir en fumée le viaduc originel (un coup de Bertha, certainement involontaire ?), qui sera reconstruit, mais en double voie : le réseau du Nord a enfin financé le raccordement du réseau local vers Paris d´un côté et le réseau de l´Est de l´autre.
La nécessité de percer deux longs tunnels avait freiné pendant cinquante ans l´agrandissement de la ligne. Une troisième voie a été installée en gare. Peu de trafic marchandises en revanche, pour cette petite ville qui se fait une spécialité des fabrications délicates de filerie télégraphique puis téléphonique, peu consommatrices de grosses masses de matières premières ; l´usine embranchée en sortie de gare a même été très tôt déferrée.
Le point commun en sortie nord de la gare (avec la traversée de la route, à niveau) est dès le début source d´ennuis et de retards : les querelles entre le secondaire local et le grand réseau des Rothschild seront le prétexte de tonnes de paperasse (comme les adorent les “chieurs d´encre” et autres “staticiens” des chemins de fer) pendant plus de trente ans...
 
ÉPOQUE III-IV. Quelques mois avant la Seconde Guerre, la gare du Mesnil est totalement remaniée ; quoique restant en voie unique, à cause de ses longs tunnels que personne ne veut recreuser, le réseau a été élevé au rang de branche annexe “stratégique” de la Grande Ceinture. La gare prend le nom officiel de “Bernières-Le Mesnil-Ceintures”, B.M.C.. Le méchant point noir en sortie de gare est supprimé et les deux réseaux sont même quasiment isolés : à part la bretelle, sur le viaduc, au sud, qui permet aux marchandises d´aller et de revenir de la chocolaterie, tout trafic de personnes voit un transbordement obligé en gare, entre les longues voitures métalliques de banlieue d´une part et les nombreuses vieilles rames à deux essieux, de l´autre.
La mise en double voie oblige aussi à l´installation d´une barrière sur la route et donc d´une maison de garde. Pour faire face aux trains lourds qui ont leur terminus au Mesnil, un pont de 18 mètres a été installé, qui permet le tournage en fin de course des 140 “Boeufs” du Nord, et le garage des locos-tenders entre la ruée des trains ouvriers du petit matin et celles du midi et du soir. La politique exagérée de séparation des deux réseaux amènera de nouveau des ennuis au niveau de la communication entre les voies du Nord-Ceintures et le dépôt (une seule bretelle commune, et de plus exilée dans l´avant-gare sud).
La Libération voit le dernier grand chambardement : la densité du trafic fret et banlieue sur le tronçon provoque de nouveau des embouteillages en gare ; l´armée américaine, grosse cliente et fournisseuse de la chocolaterie (un genre de programme “pétrole contre friandises” a été mis sur pied officieusement), prend en charge le creusement du court tunnel qui, sous la ville et au ras des anciennes fortifs, permettra le passage sans arrêt des rapides voyageurs et des trains du “régime accéléré”.

 
 

La situation restera telle quelle pendant un quart de siècle... jusqu´à ce que — comme partout — le train cède devant la voiture et le camion, et le chocolat devant les produits “light”...

Seuls aujourd´hui de longs convois de fret anonyme passent sans arrêt, sous caténaire, reliant les grands triages d´Île-de-France, Le Bourget, Vaires, jour et nuit. Le dépôt a fait place à une piscine couverte, le B.V. (bâtiment voyageurs) a été réaménagé en restaurant à malbouffe, le réseau local a vu ses voies déposées, la chocolaterie et les tréfileries ont fermé...
 
N.-B. — Certains petits détails de nos schémas sont © 1981— LOCO-REVUE R. LE GUELLEC. Mille remerciements à eux tous.

Octobre
2004.

Ptitrain, l´e-magazine du train éclectique — Directeur de la publication : Christophe Franchini.
Rédacteur en chef : Jean-Denis Rondinet. — Rév. DreamMX 20-10-2004 15:01