La multiplication des pins (1)
Voici le premier article d´une série destinée à faire passer nos lecteurs en douceur de l´environnement électronique “discret” à un univers “intégré”. Discret signifie “composé de plein de petits morceaux”, intégré étant l´opposé...
Sans aucunement laisser tomber nos composants amis et complices du Meccano électronique (les 555, 4017, 317 et consorts), nous devons, pour aller plus loin dans nos ambitions, utiliser des circuits bien plus intégrés, comprenant bien plus de fonctions mais, curieusement, bien moins de pattes (pins) de contrôle, d´entrées et de sorties (et de câblage, et de soudures !)...
Électroniquement parlant (logiquement, c´est autre chose), un microcontrôleur PIC comme celui que Ptitrain a choisi n´est pas un petit ordinateur. Il n´a rien à voir avec un Pentium ou un DualCore mais ressemble beaucoup plus à votre tiroir rempli d´une centaine de 555, de 741 et de 4017, de portes et-ou-non, de boutons poussoirs, de relais...
C´est pourquoi vous, Meccano-électroniciens, ne serez pas étonnés des fonctions que remplit un PIC (avec huit pattes seulement), mais simplement de la façon dont 39 soudures peuvent être remplacées par une seule phrase comme “movw h´ff´ clrw nop nop nop btfss goto Debut xorwf FilaMemoire”.

Le multiplexage
Il n´est plus possible à personne de raisonnable d´utiliser cent fils pour remplir cent fonctions. Aussi bien les ingénieurs qui ont construit votre voiture ont-ils fait passer dans un seul câble toutes les fonctions utiles, du démarrage et du freinage jusqu´à l´essuie-glace. Nous en ferons autant, car nous ne trouverons plus nulle part aujourd´hui le temps et la patience de souder puis de tester 1000 bornes de relais comme Monsieur Chenevez, auteur de l´Électricité au service du modélisme (d´ailleurs ce titan de la logique ferroviaire discrète n´a jamais eu l´envie d´ajouter le moindre bâtiment ou même un arbre à son réseau resté tout électrique  ! Il faisait rouler de splendides machines en zéro, style Fulgurex et autres, mais ces machines étaient réduites à l´état de simple châssis, la carrosserie ayant été enlevée pour montrer l´électronique à l´intérieur !).
À ceux qui se plaignent que, justement “c´est pas un bon exemple”, que leur voiture ne leur obéit plus et qu´une simple panne de batterie les rend aujourd´hui stupides et infirmes, nous répondrons que c´est le concepteur qui décide jusqu´à quel point il doit confier son sort à une machine, et que NOUS, on ne se laissera pas aller quand on fabriquera nos circuits... 
Blague à part, faire tout avec moins de câblage s´appelle le multiplexage. (Nous l´avons abordé déjà de manière discrète avec le super-4017.) Au lieu d´utiliser plein de fils dont certains très épais (pour un moteur d´aiguille Peco par exemple), on fournit à une boîte un ordre (généralement “allumé” ou “éteint”, mais ça peut être “vitesse : ralenti” aussi bien que “sol bémol”) et l´adresse du composant auquel s´adresse l´ordre (aiguillage, dételeur, haut-parleur)...
Sortent de la “boîte” autant de fils qu´il y en avait avant...
... mais beaucoup plus courts, puisque la “boîte” sera tout près des composants ; une “boîte” coûte des clopinettes et on peut en mettre autant qu´on veut partout où on veut.

La logique à trois positions : pas un point de détail
Nous sommes habitués à la sortie binaire (par exemple celle du circuit temporisateur 555), parce qu´elle n´est autre que celle d´un inverseur manuel :
— dans la position A, la sortie du 555 est à zéro volt, elle absorbe le courant consommé par la lampe jaune ;
— dans la position B, le 555 est au , la sortie fournit du courant à la lampe rouge.
Cette différence fournir-absorber du courant est importante en électronique moderne : parce que certains circuits ne peuvent qu´absorber, ou que fournir du courant ; d´autres fournissent et absorbent des quantités différentes de courant. Les mots rencontrés couramment dans la littérature sont sink (absorber, A) et source (fournir, B).
Résumons ! A : je fais quelque chose, B : je fais l´inverse...


Ajoutons un troisième concept : je ne réunis la sortie de mon circuit à rien (position C) Les lampes sont éteintes toutes les deux.
Cette troisième position, “sortie en l´air” est appelée la “haute impédance”, souvent en anglais “hi Z” (d´où le z dans le schéma). Ça vous paraît tout bête d´avoir trouvé une troisième position à une logique dite binaire  ? Eh bien, sachez que ça a fait l´objet d´un brevet d´invention, de royalties et tout et tout, et qu´on doit mettre des majuscules à ce concept appelé Tri-State (trois états).

La pratique des trois états
Mettons en pratique : voici une des six entrées-sorties de notre circuit intégré, on a choisi la nommée GP2.
a
) Quand cette pin est portée à zéro volt (zéro logique), elle absorbe du courant, et la led jaune s´allume.
b
) Au milieu , la patte GP2 est portée au , elle fournit du courant, la led rouge est active.
c) À droite, en position z = haute impédance , c´est comme si GP2 n´était pas câblée !
Horrible surprise : les deux leds sont allumées, et à la moitié de leur puissance d´avant ! Il suffit — et nous vous laissons trois secondes pour cela — de regarder de près le câblage et sa différence d´avec celui plus haut, pour comprendre...
Comment réagir ? Il y a de nombreuses solutions possibles, la première a été trouvée sur le sympatique site Freebotte.
On ajoute en série des diodes “normales” qui font chuter la tension de telle sorte que les leds ne puissent s´allumer à deux.
Les 2 leds et les 4 diodes sont alimentées en 5 volts mais ceci n´est pas suffisant pour éclairer les leds. Avec un seuil de 0,6 V minimum par diode, plus deux fois au moins 1,8 V pour les leds (1), il faudrait 6 volts pour éclairer.
Phénomène qui ne se produit pas quand une seule led est concernée, quand GP2 alimente seulement la partie haute (jaune) ou seulement la partie basse (rouge) du montage, dans ce cas les seuils ne sont plus qu´à 0,6 + 0,6 + 1,8 volt...
Les résistances seront de deux valeurs inégales, les leds de couleurs différentes n´ayant pas des puissances apparentes égales et seront choisies par essais, selon les modèles dont vous disposez. [Vous pouvez tester et “apparier” vos couples résistances-leds à tête reposée, sans avoir de encore de PIC sous la main  : remplacez-le par un fil souple allant vers le pluss, la masse ou restant en l´air.]
Deux leds sur une seule pin, ça peut être représenté aussi comme ça — utile quand on pilote des leds bicolores (en plus jaune et rouge mélangés donnent de l´orange, nos amis amateurs de signalisation américaine vont être ravis)  ; beaucoup moins de composants mais consommation plus importante, puisqu´un courant traverse en permanence une ou deux résistances.
Résumons : on a bien sur une seule patte, une seule pin, trois états, jaune - rouge - tout éteint. Bien sûr, vous n´êtes pas contents (vous n'êtes jamais contents !) car vous vouliez jaune - rouge - tout allumé. Ce sera pour une prochaine fois...


1. La chute de tension aux bornes d´une led dépend de sa couleur, mais aussi du fabricant, et pas du tout de son diamètre. Les rouges que j´ai dans mon tiroir par exemple vont de 1,6 à 1,9 volt, les vertes-jaunes de 1,9 à 2,3, les rouges-blanches culminent 2,3-3,3 volts. J´utilise beaucoup de leds bleues car, daltonien, j´ai des soucis pour distinguer les jaunes des oranges, les rouges des oranges, les jaunes des vertes...
Jidé
09.06.2007
Bibliogr. : Microchip, DS40040C, page 4 ; fribotte. free.fr/ bdtech/ elecnul/ LEDPIC.html
Nota-bene. — Les étoiles envoient vers le dictionnaire des termes électroniques, en cours de fabrication, voir ici.... Merci à tous nos amis bêta-testeurs de la liste Ptitrainmatique pour leur oeil de lynx, leurs bons conseils et leurs précieux encouragements.
Ptitrain, l´e-magazine du train éclectique. — Directeur de la publication : Christophe Franchini.
Rédacteur en chef : Jean-Denis Rondinet