PTITRAIN XXI
Ptitrain Ptitrain XXI

Peindre une loco

     Ma 1-141-TA de chez Roco date de mon époque « hamster »  : pas de réseau, pas de temps libre... Alors, pour se venger, on achète tout ce qui bouge ! Depuis lors, le plus gros de la folle collection a dû être revendu pour cause d´incohérence dans les choix  : que faire d´une 141 « cul de bateau » du P.-O. et d´une 232-TC de Mulhouse quand on a finalement choisi la banlieue parisienne ? Les pertes financières lors de ces séparations étant sèches (au contraire des yeux, mouillés !), j´ai conservé dans un tiroir quelques « allemandes » acquises vraiment trop cher pour être sacrifiées à ma guise du moment. En espérant qu´un train de roues ou qu´un tender moteur puissent être recyclés un jour...

     Cette 141 (ex-T14 Prusse) était donc en A.A. (attente d´amortissement) -- persuadé que j´étais qu´elle n´avait jamais quitté l´Est profond, alsacien ou lorrain. Je me trompais grandement, et la relecture (pour les besoins de la librairie de Ptitrain) de mon fidèle Gillot (les Locos de l´Est en l´occurrence) m´apprit que cette loco-tender avait en fait fréquenté la région parisienne : Noisy et Vaires (tout près de mon réseau), avec même un peu de trafic voyageurs-banlieue !

     La loco a donc été nominée pour passer à la casserole de la peinture et du patinage -- grande première après une vingtaine d´années d´abandon du modélisme... et avec des outils et des matériaux et matériels nouveaux (nouveaux pour moi !).

     J´aime les embiellages pas trop neufs ni étincelants... La première opération est donc en général de peindre les bandages externes de roues et les bielles. « Dans le temps », j´ai essayé différentes mixtures de peinture noire et de peinture « alu » pour retrouver l´éclat sombre des bielles grasses en utilisation courante, mais j´ai, depuis, découvert la couleur « Oily black » (noir huileux) de Polly Scale, une peinture à l´eau très agréable d´utilisation (à acheter chez Déco-Trains rue de Douai à Paris ou par correspondance chez Railway ou Walthers).

     Bien sûr la peinture va tenter de coller et de bloquer toute la mécanique délicate de l´embiellage et c´est pourquoi je peins la mécanique quand elle est en mouvement  : des petites pinces crocos relient un transformateur réglé à très faible vitesse aux bornes du moteur. Pour la 141, je n´ai pas voulu la démonter (quel feignant !), et les pinces sont directement fixées aux lamelles de prise de courant !
     Je fais tourner la mécanique jusqu´à séchage complet ; ensuite je huilerai le tout, discrètement.

   Que les roues soient en mouvement facilite la peinture des flancs de bandages sans tremblements ni dépassement : on se retrouve comme sur un tour de potier ! (C´est aussi très pratique quand les flancs sont blancs.)

     Les parties du mécanisme qui (dans la réalité) restent toujours propres à cause du frottement (glissières, piston) seront grattées avec un cure-dent pendant le séchage. Pas de panique, de toute façon la peinture n´accroche pas bien sur le métal (on ne manipulera plus la loco par l´intermédiaire de son embiellage).

     L´autre pas franchi lors de mon « retour aux affaires » après vingt ans, ça a été l´usage de cet horrible aérographe qui fait trembler les jeunes modélistes.
     Comme beaucoup, j´ai traîné des pieds devant cet investissement, tout en dépensant des sommes folles en pure perte  : j´ai TOUT essayé pour NE PAS acheter un aéro... Des appareils à poire, des bombes de peinture de toutes les marques, des pistolets à mélange externe, et bien sûr des saloperies « made in China », copies éhontées d´aéros Badger ou autres, qui n´ont même pas fonctionné tout un mois !

     Jusqu´au jour où j´ai, toute honte bue, frappé à la porte d´Aérographes Services, une boutique spécialisée, où j´ai raconté toute mon histoire. J´en suis ressorti allégé d´une somme coquette et alourdi d´un compresseur « sérieux » (235 euros, photo ci-dessus) et du fameux aéro « new look » Aztek de Testor, dans sa boîte en bois précieux (145 euros, ci-dessus à gauche)... Alourdi aussi de conseils (pressions, dilutions, etc.).
     Oh ! il n´a pas pas suffi d´acheter pour que ça marche ! Chaque séance de peinture est encore une suite de catastrophes, d´angoisses, de saleté incroyables...

     Ci-dessus, l´état de mon bureau après une petite séance d´aérographie !!! Quand je pense à la dame en tailleur Chanel qui fait une démo de peinture dans la vidéo qu´Aztek fournit avec son matériel, je me rends compte que je suis pas encore arrivé au bout. Et encore, je ne vous montre pas le lavabo de la salle de bains :-(((((((
    Mais, même nul sur le plan de la manipulation, je bénéficie déjà de cet incroyable satiné qui ne se trouve avec aucun autre procédé de peinture !

     L´opération de masquage pour l´aéro est importante, d´autant plus que je n´ai toujours pas démonté les roues de la superstructure. Ce petit « moule » de masquage fait en chutes de carton-plume m´a pris une petite demi-heure. Mais il servira aussi à la manipulation du modèle.
     Pas besoin d´assurer une étanchéité à toute épreuve : dans certains cas, les « fortiches » se contentent même de tenir à la main un bout de carton pour masquer. Je les regarde travailler dans les expos, et je ne suis pas le seul  : ils sont toujours les vedettes !
     Mais je n´en suis pas là, puisqu´il me faudrait déjà trois mains rien que pour peindre (plus quatre pour assurer le nettoyage) !

     Je vais passer une première couche de noir ; c´est encore du Polly-Scale, cette fois-ci un « Engine black », un très beau noir satiné...
     Je protège grossièrement les parties qui seront vertes afin de ne pas créer trop de surépaisseurs inutiles. Les bouts de masque sont coupés dans des Post-It assurés par du Scotch ! Ça colle suffisamment pour les quelques minutes que dure l´opération...
     Aux endroits où la séparation noir-vert doit être tranchée (entre chaudière et boîte à fumée, et entre flancs de cabine et toit), j´ai appliqué une sous-couche de Maskol, une peinture caoutchouteuse spéciale.

     Ce caoutchouc s´enlève, après utilisation, avec la pointe d´un cure-dent (une opération que je trouve très amusante...).
     Aucune photo ne pourrait vous faire partager mon émotion devant la perfection de la couche de peinture verte aérographée : on dirait un maquillage de femme à la poudre de riz. Le moindre détail est magnifié... L´aéro, c´est fantastique !
     Je me tâte même pour savoir si je vais gâcher tout ça avec une patine de saleté unifiée... Mais, bon, il le faut, hélas ! Cette machine est une pauvre esclave de banlieue et elle a cinquante ans...

     Voilà la vedette après passage d´un voile de noir sale à l´aéro, et des terres à décor : touches de blanc aux endroits entartrés (ouvertures de caisses à eau, pompe, sifflet...), de la terre de Sienne naturelle pour le mélange « rouille + poussière de freins » du train de roues. Le résultat est éminemment plus subtil, délicat que la peinture au pinceau, même la plus légère possible, que je faisais dans ma jeunesse ! En revanche un dernier passage, de vernis mat, me paraît indispensable pour protéger la patine...
     Il manque visiblement quelques pièces de superdétail, que je retrouverai sûrement dans ce grand carton étiqueté « pièces de superdétail » et qui traîne quelque part dans mon sous-sol... Autant ça m´amuse de bricoler des machines de moi-même ou de me colleter avec un kit Model-Loco, autant ça me barbe de superdétailler des bécanes du commerce en plastique  : peut-être que je n´ai aucune patience pour fabriquer la loco qui sera de toute façon celle de Monsieur Tout-le-Monde... C´est pas demain que ma 141-P Jouef (achetée « pour voir ») aura des tampons :-)))
     Ouf ! c´est fini. Je ne me sens pas encore de taille à attaquer des matériels « finition musée » mais, grâce au dieu des hamsters, j´ai suffisamment de machines à peindre pour affiner ma technique et finir, je l´espère, à ne plus saloper tout un appartement pour passer à l´aérographe trois dés à coudre de peinture sur une loco de quinze centimètres de long !...

   

 

JiDé

Juillet 2000.
 

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A propos de Ptitrain
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Rédacteur en chef
Jean-Denis Rondinet
Rédacteur
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