Note de la rédaction : Alain Fraval, le grand architecte des Réseaux Ferrés Réunis (ReFeRe), professe un goût immodéré pour les situations invraisemblables, toujours décrites avec un luxe de détails et un humour froid qui comble d´aise de rédac chef de Ptitrain... Mais laissons la place à l’inventeur du concrete, au chantre des BB (bouts de bois) et des CC (chutes de carton)...
Le Bref
La construction intégrale
d’un petit locotracteur
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Comment je fais mes locos ? À l’échelle 1/87e (HOe), en carton et en deux coups de cuiller à peau. Adepte de la khartésurgie (art de la mise en oeuvre du carton) et de l’altermodélisme (modélisme à ma sauce, décontracté), je prends un châssis moteur (échelle N, à 2 bogies, attelages européens, court, acheté chez Internet, boutique le Train magique), du carton et du papier à dessin, étale mes outils (rien que du très courant) — le bidon de colle à bois rapide n’est pas loin — et...

... je me méfie. Le précédent locotracteur que j’ai réalisé est petit et léger. Du coup, il n’a aucune puissance. D’ailleurs, il s’appelle Minus.
Que vaut celui-ci ? Tout seul, sur les pentes ahurissantes du Double-huit de l’Oasis (réseau vedette cet été), il chemine mais, attelé, il regimbe et patine (il ne fume pas). Je procède donc à des essais de lest en conditions réelles (par temps sec).

Voilà donc le moteur tout nu sur ses deux bogies avec un chargement de fil d’étain à souder, de plus en plus lourd jusqu’à obtenir qu’il veuille bien tirer 3 wagons assez pesants. Je ne lui demande pas de les arracher au plus pentu du circuit.
À noter que, pour cet exercice à large visée didactique, je n’emploie pas d’uranium appauvri (qui serait bien moins encombrant) car tout le monde ne possède pas une centrale nucléaire avec atelier d’enrichissement, comme moi.

Retour à l’établi. Le châssis doit s’emboîter sur la plate-forme qui entoure le moteur : il sera constitué de deux épaisseurs de carton, deux rectangles évidés superposés. La largeur est fixée depuis longtemps : 25  mm environ (avec une hauteur de caisse inférieure à 30 mm). Une fois en place, il appert que le moteur prend de la place : pas d’aménagement intérieur réaliste (ou pas du tout) et portes fermées (ou à peine entrebâillées).
Les parties repliées le long du capot du moteur donnent de la rigidité longitudinale et supporteront une partie du lest.
La caisse sera dessinée en conséquence. Mais quel style ? Le style caisse, pas encore représenté dans l’écurie de la ReFeRe. Une variété de fourgon à moteur. Un peu “doodlebug” (en bois, des secondaires états-uniens), si l’on veut, mais en concrete, évidemment. Avec une idée derrière la tête, celle d’en faire l’élément moteur et central d’une rame (une voiture devant, une autre derrière).
La construction en est analogue à celle d’un couvert ou d’une voiture, à l’évidement basal central près.
Je m’empare d’un morceau de feuille de Canson Arches 300 g satiné (1/4 de millimètre d’épaisseur, mon préféré pour mes tableaux à l’huile...) et j’y vais. Avec en tête le gabarit (indiqué ci-dessus) et quelques impératifs : il faut des fenêtres (confort du personnel) sur les côtés et aux deux bouts, des portes (circulation d’icelui, chargement) d’au moins 20 mm de haut (taille des personnages). Cela m’amuserait de faire un truc dissymétrique, d’autant que ça n’introduirait pas de déséquilibre vu l’importance du lest, mais je me retiens. Je trace de chic mais avec règle et équerre.

C’est un pliage : fond de caisse (évidé) au centre, parois longitudinales sur les côtés, dossiers en haut et en bas. Le pli de ces derniers est en retrait, ils s’encastreront, donnant une meilleure rigidité (j’ai appris ça en faisant des wagons).

Puis, armé d’un cutter (avec une lame neuve), je coupe. La découpe arrondie du logement du futur radiateur décalé et tout en hauteur (une idée, comme ça) est faite à la queue de rat.
Vient le moment de peindre, avant de plier. Choix de la teinte : rose verdâtre. Le gros pot de corail vient d’une erreur de livraison : mélangé avec du blanc, il sera la teinte “primer”. Peinture acrylique, pinceau pour les tranches des ouvertures, rouleau en mousse pour les aplats.

Important : les deux faces sont enduites à chaque opération, sinon le papier aquarelle s’incurve. Pour un aspect référesque, prévoir 3 couches (au moins) dont la dernière est appliquée partiellement (superposition de gris vert et de rosâtre, dans ce cas).
Pour un effet de patine (spéciale...), une fois bien sec (quelques heures), l’ensemble est poncé au papier de verre superfin : les bords, usés, apparaissent soulignés d’un liseré plus clair.

Maintenant les huisseries — est-ce le terme approprié dans le ferroviaire ? Les vitrages fraisés, ce n’est pas le style de la maison. Les fenêtres sont en retrait, encadrées. Il faut faire les cadres. Je choisis dans ma collection un bristol léger (épais de 0,2 mm, une récup qui date de l’après-guerre !) déjà acryliqué, ce qui lui donne de la tenue. Je me sers de la caisse découpée comme gabarit mais rectifie tous les tracés à l’équerre.

Ces panneaux, qui viendront se coller le long des parois de la caisse à l’intérieur, une fois peints, reçoivent les vitres — prélevées sur un blister.
J’y colle également, pour obturer les baies grillagées, du voile de mariée (peint) et, d’un côté, une rambarde en fil électrique rigide dénudé. Et des renforts.
Bref, c’est le moment d’installer tout ce qui ne sera plus accessible. Avant de plier et coller les angles. À noter qu’il n’y a pas de languettes, le papier se colle très bien sur la tranche, et même tranche contre tranche. Avoir à portée de la main un petit pinceau mouillé pour étaler les bavures.

Le collage se fait de tous les côtés à la fois : il faut les dix doigts puis l’aide de presses spéciales, des pinces utilisées diversement. Avant que la colle soit archisèche, je fais gentiment pression sur la caisse pour qu’elle soit bien parallélépipédique. Les deux parties du châssis sont collées bien à plat. Le toit a reçu des renforts longitudinaux (c’est une production soignée).

C’est le moment de s’occuper du lest. Visiblement, il reste très peu de place autour du capot moteur, je placerai donc le poids au-dessus. Le fil de soudure est trop encombrant, je vais le fondre dans un moule. Le moule est en carton (une chute quelconque) façonné en caisse à fond plat (avec un cerclage en fil de laiton par précaution). À coups de fer à souder, je parviens à obtenir un bloc assez irrégulier que je finis au marteau.

Avant de fermer la caisse, nouvel essai en ligne, qui montre la nécessité d’ajouter une bonne longueur. Là, ça marche bien, la preuve en photo...

Une partie du fil supplémentaire est découpée en tronçons, collés à l’intérieur de la caisse, tout en bas, sur le rebord. Le reste est fondu sur le lest — qui a été démoulé et est collé à cheval sur le capot. La caisse est fixée au châssis par des points de colle, le toit à la caisse par une bonne dose de colle. Là aussi, ajustage fin avec les dix doigts.
Tout s’emboîte à force sur le châssis moteur  c’est démontable. Reste le superdétaillage, auquel on n’échappe pas.
De haut en bas, principalement :
— le toit ouvrant (comme sur les 203) : un rectangle de bristol 
— les projecteurs infrarouge qui remplacent les phares mais en délivrant un éclairage invisible (des tronçons de gaine de fil électrique)
— de très bons articles de Ptitrain décrivent comment installer des DEL ou leds 
— les radiateurs : l’un (vert, du climatiseur) est en carton strié, l’autre (gris, du moteur) a été prélevé sur une cheville 
— l’échelle (en laiton, trouvée dans mes archives) pour aller décoincer le toit ouvrant 
— les mains montoires, en fil électrique 
— les marchepieds, très étroits, en ticket de métro (époque verte) 
— les numéros, très sobres pour une fois, découpés dans une étiquette.
Et tout en bas, sous le châssis de chaque côté, les compresseurs Pourrévitz & Soufflay, très bien figurés par un assemblage de bouts de gaines.
Manque l’orifice de remplissage du carburant. L’oubli sera réparé.

Ce n’est pas du finescale, les essuie-glaces sont... absents, personne ne prend le café (fumant) dans la cabine. Mais, en quelques heures, en m’amusant bien, j’ai fabriqué un engin original et fonctionnel : il roulera sans pépin, Le Bref.
Reste plus qu’à ranger l’établi.

Liens
Le carton peut faire un carton Le nucléaire L'Oasis en expo La khartésurgie, l'altermodélisme, le concrete et la ReFeRe en général et de A à Z



Alain
Fraval

Septembre
2009.
N.-B. — Toutes les photos sont © ReFeRe/Alain Fraval pour Ptitrain.
Ptitrain, l´e-magazine du train éclectique... — Directeur de la publication : Christophe Franchini.
Rédacteur en chef : Jean-Denis Rondinet. — Rév. 31-08-2009 19:25